Espaces verts à Brest : rencontre avec Rémi Rouillé

La ville de Brest repense depuis plusieurs années sa stratégie d'arrosage. Pour mieux comprendre les pratiques et les enjeux qui structurent cette démarche, nous avons interrogé Rémi Rouillé, technicien des espaces verts.

Nous accompagnons cette commune depuis plusieurs années dans l’optimisation de leur arrosage du fleurissement annuel. Une belle occasion d’en savoir plus sur la façon dont le bulletin Urbasense est utilisé quotidiennement à l’échelle de cette commune de 212 000 habitants située à la pointe de la Bretagne.

Comment utilisez-vous ce bulletin au quotidien ? Est-ce que vous l’imprimez, vous le transférez ?

Rémi Rouillé : C’est un bulletin qui est envoyé par mail avec une liste de diffusion qui est très large. Je dirais qu’il y a 25 secteurs qui sont concernés par les bulletins. Ils sont envoyés à tous les chefs d’équipe, leur seconds et les techniciens de secteur. 50 personnes reçoivent donc ce bulletin chaque semaine. C’est un suivi saisonnier qui part de la mi-juin jusqu’à la première semaine d’octobre.

On l’utilise à l’échelle opérationnelle. C’est un bulletin qui nous indique s’il y a un besoin d’arrosage ou pas et le cas échéant, si un besoin d’arrosage est nécessaire, cela nous indique la quantité d’eau à apporter.

La consigne donnée à toutes les personnes qui reçoivent ce bulletin, est de respecter cette préconisation.

Qu’est-ce qui a changé dans la pratique ?

Rémi Rouillé :  Nous avons fait évoluer nos habitudes de travail. Nous sommes engagés dans cette démarche à partir de trois principaux facteurs :

– Le premier facteur est de pouvoir dégager du temps de travail. Cela demande beaucoup de temps aux équipes, en temps de déplacement ou en durée d’arrosage. Le premier facteur donc c’est le “temps agent”.

– L’économie de la ressource en eau est le deuxième facteur. Nous avions, en moyenne, trois arrosages de 30 minutes par semaine et par massif. Donc c’était une sacrée quantité d’eau et un sacré temps agent à allouer.

– Le troisième facteur est la pérennisation des végétaux. Factuellement, il y a beaucoup plus de mortalité par sur-arrosage que par sous-arrosage. C’était une crainte du jardinier qui se disait « vaut mieux que j’arrose de trop que pas assez parce que si jamais les plantes crèvent… »

Aujourd’hui, ce qui a changé avec plusieurs années de recul, c’est qu’il y a une tranquillité d’esprit. Nous n’avons plus à nous soucier de ça. Bien sûr, il y a toujours un regard attentif sur les massifs de fleurs, notamment sur leur comportement vis-à -vis de la météo.

Aujourd’hui, au lieu de se dire par habitude :  » il faut aller arroser, deux fois, trois fois dans la semaine, ». On va préférer se dire « attendons le bulletin de mercredi ».

Ville de Brest

En fonction du bulletin et de la préconisation, on arrose avant le week-end, et on prévoit un deuxième arrosage le lundi au retour du week-end.

Je ne peux pas parler au nom de tous les agents, mais de façon homogène, c’est le retour que nous avons.

Cette tranquillité d’esprit doit s’accompagner d’une vigilance, car nous travaillons tout de même avec du vivant. Parfois, nous pouvons constater un flétrissement des végétaux lié à différents facteurs. C’est pour cela qu’une vigilance hebdomadaire est portée.

Dans notre collectivité, le fleurissement est un vecteur de saisonnalité pour les habitants de Brest. Il est aussi un vecteur d’homogénéité sur l’ensemble du territoire. Enfin, il représente une qualité de vie pour les habitants et une attractivité touristique, etc.

Depuis quand utilisez-vous le bulletin ?

Rémi Rouillé : nous avons essayé le bulletin dès 2019. La volonté de l’équipe de direction était d’essayer d’abord le dispositif, car nous n’avions pas de recul sur les végétaux annuels. Je me souviens que pour vous, Urbasense, c’était aussi quelque chose de nouveau.

Après cette  période d’essai en 2019 et nous avons décidé de déployer ce service de façon globale sur l’ensemble des massifs et sur tout le territoire dès 2022.

Nous avons eu un peu plus de 3 ans de recul sur l’outil.

J’aimerais préciser que nous sommes à Brest, en pointe de la Bretagne. Nous avons donc une météo particulière.

Ce que nous avons remarqué, c’est que nos saisons sont très marquées par des épisodes météo plus ou moins extrême. Soit des épisodes très pluvieux, soit des épisodes très secs accompagnés d’une sécheresse très intense, très marquée. Cela nous a permis de bien montrer l’intérêt de ce dispositif.

Ville de Brest

Comment avez-vous convaincu vos collaborateurs d’utiliser le bulletin, et quels sont les freins que vous avez dû lever ?

Rémi Rouillé : le premier frein, c’est qu’il a fallu convaincre l’équipe de direction notamment sur l’aspect investissement : l’achat des stations, le budget de fonctionnement, et enfin le suivi annuel.

Il a fallu réaliser une présentation pour expliquer le retour sur investissement de la solution, en modélisant plusieurs scénarios : économies d’eau d’un côté, gain de temps agent de l’autre. Résultat ? Un retour sur investissement qui a été estimé sur une période de 3 à 4 ans, en fonction de la météo.​

Nous avons fait plusieurs scénarios d’économie à 30 %, 50 % et 7 0% suivant les épisodes météorologiques. Nous avons  constaté que depuis 2022, nous avons atteint le scénario qui nous a permis d’économiser jusqu’à 70 % d’eau.

Le deuxième frein était de faire accepter l’idée de payer un service à un prestataire situé en région parisienne. Un prestataire, à des centaines de kilomètres de Brest, qui nous indiquera qu’il faut ou ne pas arroser nos massifs.

Nous avions constaté différents profils :

Les jeunes de 20-30 ans, avec des convictions écologiques et la nécessité d’économiser de la ressource en eau.

Les personnes de 30-50 ans avec des habitudes de travail bien en place, mais qui sont sensibles à cet enjeu, et qui considèrent que l’expérience de terrain est importante.

Enfin, les agents en fin de carrière qui ne voient pas du tout l’intérêt de faire confiance à un prestataire situé à Paris, avec peu de connaissance de la métropole et du métier.

Nous avons convaincu de l’intérêt du service, en démontrant le fonctionnement des stations tensiométriques, l’analyse et le bien-fondé des bulletins qui sont ensuite envoyés.

Ville de Brest

 

Merci à Rémi Rouillé et à la commune de Brest pour ce retour d’expérience enrichissant.

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